Inferno



D’avoir avec Inferno offert au 7ème art tout à la fois un opéra et un cauchemar, Argento offrait au spectateur un voyage hallucinogène à n’en croire ni ses oreilles ni ses yeux, ni son coeur ni son cerveau. D’ordinaire rompus à moins d’ampleurs et à moins de couleurs, à moins de convulsions et à moins de contradictions, à moins de secousses et à moins de paniques. D’avoir voulu célèbrer ses saillies sanglantes en les associant cette fois au choeur du Nabucco de Verdi (et inversement), d’avoir arrangé un rendez-vous entre la lune et le « Va, pensièro » dudit compositeur, de prendre un malin plaisir à plonger ses victimes et ses héroines, et à les faire évoluer, dans des mondes engloutis ou labyrinthiques, de les en soustraire, le sein qui pointe et qui palpite, de donner au vent et à la pluie le pouvoir d’incarner le déchaînement des forces souterraines (qui ici à chaque instant ourdissent de sourds complots contre le monde des vivants), le maestro créait une sensationnelle alchimie entre l’exaltation de la beauté et l’irruption de l’effroi. D’avoir ainsi élevé le regard et l’ouïe tout en excitant l’épiderme, Argento faisait sienne la poésie de Baudelaire qui veut que la fleur est parfois la promise du mal, que la rose est faite aussi de son épine, que le tombeau le plus beau appartient aussi au ver qui ronge son locataire.

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